Article O-F : Précarite Alimentaire: "Le pire est à venir"

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"Les plus fragiles et les plus pauvres sont de plus en plus nombreux à galérer pour se nourrir", dénonce Michel Urvoy journaliste
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La guerre, les catastrophes, les lois de l'économie provoquent des hausses de prix considérables qui risquent d'être amplifiées, dans quelques mois, par des pénuries mondiales. La précarité alimentaire a doublé en dix ans, et le pire est à venir. Et alors que les plus fragiles et les travailleurs pauvres sont de plus en plus nombreux à galérer pour se nourrir, les associations qui les aident se heurtent à une économie qui ne laisse rien au hasard et à un bénévolat qui s'épuise.

La solidarité alimentaire se structure autour de trois grandes organisations : les Restos du Coeur et le Secours Populaire qui récoltent des dons pour acheter des produits et les redistribuer aux bénéficiaires, la Banque Alimentaire, acteur majeur de l'aide alimentaire, qui approvisionne dans chaque département plusieurs dizaines d'associations agréées soixante-quatre pour le secteur de Rennes.

La Banque Alimentaire - B. A. comme bonne action ! - reçoit à part égales, des produits financés par l'Europe et l'État, ou donnés par les plateformes logistiques et les magasins, par les agriculteurs et les industriels. Les particuliers, eux apportent 10% de produits, collectés le dernier week-end de novembre par 130.000 bénévoles en gilet orange (1). Il n'y aurait pas péril si ce dispositif, pourtant très organisé, n'était pas confronté à une double évolution, quantitative et qualitative.

Quantitative : face à une hausse des besoins de 5 à 10% par an, voire 2 à 30% dans certains territoires, il faut trouver l'argent, les bénévoles et les produits.

La loi Garot antigaspillage (2016), dont la finalité n'est pas discutable, à réduit les dons provenant de la grande distribution. Baisse heureusement à peu près compensée par l'augmentation du nombre de magasins donateurs.

Pour amortir les à-coups commerciaux des crises, l'industrie agroalimentaire travaille en temps réel, ce qui réduit les stocks ponctuellement disponibles. Quant au bio, il n'est pas toujours le plus accessible pour des personnes qui veulent d'abord manger avant de se soucier des labels.

Qualitative : l'aide gouvernementale, débattue au parlement le 18 juillet est la bienvenue. Mais il est impossible de s'assurer de son meilleur usage si elle consiste à seulement distribuer des chèques (100€ par foyer allocataire des minimas sociaux +50€ par enfant). Le réseau associatif, ce que d'aucuns semblent oublier, reste la meilleure garantie de l'efficacité des aides.

Car ce besoin de se nourrir cache, souvent, une grande solitude, comme le Covid l'a révélé, par exemple, dans le monde étudiant. Les contacts directs sont alors de biens meilleures occasions d'y répondre qu'une froide politique du chèque.

Qualitative aussi au sens où on ne peut pas se contenter de distribuer ce qui se présente, sans s'assurer d'un minimum de diversité des produits et d'équilibre nutritionnel.

L'aide alimentaire est ainsi confrontée à une triple mutation. Il lui faut combattre la politique du guichet et privilégier les réseaux associatifs pour entretenir le lien social par l'accompagnement des bénéficiaires. Il lui faut trouver et former des bénévoles à la gestion, à la nutrition, à la cuisine même. Ce que fait la Banque alimentaire.

Et il lui faut négocier autrement, c'est à dire très en amont, directement avec les directions des enseignes de la distribution et des groupes agroalimentaires, pour intégrer dans les processus de décision de de production la part (défiscalisable) dévolue au don. L'aide alimentaire doit devenir une composante forte de la politique de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

Assurer les volumes, la régularité et la diversité des produits sont les seuls moyens de désamorcer cette bombe alimentaire qui menace d'exploser.


(1) Les 26, 27 et 28 novembre, dans les grandes et moyennes surfaces. 

Michel URVOY (journaliste)

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